Le canon pascal orthodoxe revient sur les paroles des anges dites aux femmes myrrhophores qui vinrent à la tombe de Jésus en portant les aromates: « Pourquoi chercher parmi les morts le Vivant ? Pourquoi pleurer l'Incorruptible ? Allez porter la Bonne Nouvelle à ses disciples ...»
C'est juste d'ici que le christianisme commence son cheminement sur la terre. Il n'existait pas avant, car la Vie était annoncée par le Vivant même, Jésus de Nazareth, le Verbe incarné. Mais, Jésus a été crucifié et mis en tombeau et les femmes qui L'ont accompagné pendant la vie, ont voulu - dans une bonne tradition biblique -embaumer Son corps avec les substances précieuses. Les aromates symbolisaient leur offrande au Seigneur martyrisé, un geste d'amour, une vénération de leurs souvenirs et peut-être... un espoir vague qu'on n'osait même pas revêtir de paroles. Or, c'est la Parole qui s'est annoncée elle-même, le Tombeau vide a proclamé que la mort n'habite plus dans ses entrailles. La Bonne Nouvelle se révèle inouïe, belle et stupéfiante : Jésus est ressuscité ! Et pourtant, personne ne pouvait obliger ces femmes à l'obéir. Elles auraient pu prendre pour un tentateur l'ange à coté de la tombe et s'échapper saisies de frayeur. Pour « prêter » son âme à l'annonce, pour l'accueillir, il a fallu le courage de croire à ce qui parait impossible, déraisonnable, insensé. Et quelle résolution faut-il avoir pour porter l'annonce aux autres ?
Nous sommes à un moment crucial et fragile dans histoire de l'Evangile : elle est confiée aux femmes et celles-ci en prennent toute la responsabilité. Le message qu'elles devaient porter aux disciples était exigeant, il ne parlait pas du Dieu lointain et obscur, mais de Celui qui a vaincu la mort. La Bonne Nouvelle se traduit désormais comme espérance et promesse. La lumière qui illumine tout homme force la pierre de la tombe du Vivant. On affirme souvent que la peur de la mort se trouve au fond de la foi, mais c'est faux. Sa source la plus profonde et intime est l'espérance d'une rencontre ineffable, celle qui a fait exclamer à Job : « Une fois qu'il auront arraché cette peau qui est mienne, hors de ma chair je verrai Dieu.. .et mes rems en moi se consument» (Jobl9, 26-27). Dans l'abîme du cœur chacun de nous ne veut rencontrer que son Dieu, et Dieu le sait. Il se hâte à notre rencontre, Il devient comme l'un des mortels, Il partage notre existence, Il meurt, Il ressuscite. Et la promesse s'allume. La vision de Dieu dont parle Job est déjà anticipée sur cette terre. Que chaque personne pouvant entendre, écoute le Règne s'approchant d'elle. La foi est l'art d'entendre que Dieu nous parle, la confiance en Ses signes, l'obéissance à Ses paroles. « L'âme est chrétienne par sa nature », dit Tertullien, car notre nature est orientée vers l'espérance, dont la racine est la Résurrection.
Ce n'est pas par hasard que j'ai évoqué le christianisme au début. Car cette année, nous, les orthodoxes, les catholiques et les protestants redevenons de nouveau chrétiens en célébrant la Pâque le même jour. Et je crois, l'année prochaine aussi...
Dans l’Église le don de Dieu s'unit avec le travail de l'homme. Mais il ne s'agit pas d'une pure invention, d'une création à partir du néant. On l'appelé "la synergie", c'est-à-dire le fusionnement de deux énergies créatrices, qui est comme un sacrement de l'union du divin et de l'humain. Dans la vie ecclésiale on n'invente rien a partir du vide et on re construit pas sur la fantaisie. Mais on laisse à se développer ce qui a été déjà conçu en Esprit et réalisé ou incarné dans la sainteté des générations précédentes. La vraie foi est révélée et héréditée en même temps. Ce principe de l'héritage spirituel est la Tradition. "Essentiellement, la Tradition est la présence ininterrompue de !a vie divine, la présence permanente de l'Esprit Saint" (P.George Florovsky).
L'Esprit vit en transmission. Il s'investit dans les corps matériels, que l’Église considère parfois comme définitifs. Telles sont les sacrements, les formules dogmatiques, le Credo, les décisions principales des Conciles œcuméniques. Mais il y d'autres récipients de l'Esprit comme des formes des célébrations liturgiques, des rites, des canons qui peuvent être changés, "refondus" quand la conscience conciliaire de l’Église exprime la nécessité et l'opportunité de ce changement. Le principe de l'orthodoxie n'est pas vivre dans son passé, mais plutôt avec son passé toujours présent, le passé évangélique et apostolique en tant que signe de la sainteté et de la catholicité vécue de l’Église. Si l’Église est le Corps de Christ, un des "tissu" de ce Corps est fait de la tradition, car "l’Église commence avec la Tradition et la Tradition commence avec l’Église" (P.Dumitru Staniloae).
La parole "Église" ne signifie pas seulement une communauté des croyants. Elle souligne tout d'abord que ces croyants sont unis dans le temps et dans l'éternité, qu'entre leurs histoires personnelles et la Parole révélée il y a aussi une histoire de Dieu, jalonnée par les traces de Sa présence. Dieu est présent parmi tous, "Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants" (Mt.23,35) - comme il ne l'est pas aussi l’Église de Dieu. En dernier ressort, on peut voir le principe de la Tradition comme un refus de la mort dans la mémoire de la foi ou dans le patrimoine de Dieu, confié aux hommes.
La Tradition, après l’Écriture Sainte est traitée dans la théologie comme une des deux sources de la Révélation. Mais au fond il n'y a qu'une seule source de la foi révélée : Dieu Lui-même qui se fait entendre d'une manière éclatante ou discrète. Or. il y a des "canaux" privilégiés dont nous nous souvenons avec gratitude et avec une certitude pleine de joie et de crainte, quand nous disons que Dieu est venu pour partager avec nous Ses demeures que nous vénérons comme ses vrais "séjours". Le sens de la Tradition provient de notre "accès" à la "résidence" du divin, de la communion au sacré et de notre volonté de rester dans cette communion, de la vivre dans la continuation. On peut dire que la Tradition n'est pas seulement la mémoire du sacré "vécu", mais le sacré qui continue à vivre dans la mémoire, qui "réside" dans notre foi. et cette mémoire croyante crée l'identité même de l’Église.
Le principe de la Tradition est tout d'abord la confiance. On ne soupçonne pas que chaque manifestation de Dieu en dehors de la Bible soit une "fable humaine" et "les dires des vieux". La Parole de Dieu n'est pas limitée par son texte écrit. "Car la Parole est tout près de toi. elle est dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu la mette en pratique" (Deut.30.14). La Parole qui était dans le cœur de nos ancêtres est toujours près de nous, portée par le même Esprit. On la "pratique" dans la foi de nos jours comme dans la vie de tous ceux qui nous ont précédé. On l'accepte dans le cœur en tant que le bien précieux que Dieu nous laisse par le travail des autres. On obéit à Sa voix qui nous interpelle par la bouche de la mémoire héréditée...
Spirituellement, l'obéissance à la Tradition se fonde sur l'humilité, sur un certain refus de son propre "moi" qui veut construire et reconstruire le monde à sa propre image et ressemblance. Cette obéissance signifie que nous sommes des fils qui ont des pères, et ces pères ont entendu la Parole avant nous, ils ont "accueilli" et vécu l'Esprit dans leurs prières, leurs pratiques liturgiques, leurs icônes, leurs martyres, leurs moments de grâce. En Église nous vivons toujours ces "moments" qui ne s'interrompent jamais dans la joie et l'abondance de l'Esprit. La Tradition est la joie de vivre ensemble la foi commune des vivants et des morts ou la communion des saints. Tous les chrétiens étaient appelés saints dans l’Église primitive. Nous savons que nous ne sommes pas des saints, mais nous vivons la sainteté de la foi de nos pères, la foi empreinte de leurs prières, de leur vie en Dieu. Chaque prière de l’Église, dit un saint russe, est comme "chargée" de l'expérience vécue.
On dit que des traditions diverses divisent les familles chrétiennes. Mais il n'est pas moins vrai que les prétentions à l'absence de la tradition, les révoltes contre la "lourdeur" du passé, les divisent encore plus. Car la foi "pure", sans aucun élément humain, n'est qu'une utopie. Même dans les communautés dites "fondamentalistes" qui ne veulent rien entendre en dehors de la lettre de l’Écriture, on n'invente pas les formes de la célébration chaque jour à nouveau. L'absence de la tradition ne proclame rien d'autre que la tradition appauvrie ou la tradition-marâtre, pas la mère.
Les orthodoxes considèrent avec une certaine tristesse la tentation de cet appauvrissement qui se répand dans le christianisme occidental. Il est bon et juste de se tourner chaque jour vers l’Évangile, de le faire se réveiller à nouveau dans le cœur, mais est-il juste de faire semblant qu'entre nous et l’Écriture il y ait un vide total, un désert spirituel? La foi vivante affirme que le Christ est venu sur la terre pour me sauver, mais cette foi n'oublie pas qu'il est venu aussi pour sauver les autres et tout ce qu'ils ont fait pour créer une "demeure" de Christ dans leur vie et dans leurs cœurs reste aussi notre talent que nous sommes appelés à multiplier.
Les traditions divisent, mais le vrai dialogue œcuménique ne peut continuer que sur cette base que la Tradition participe à la constitution de notre foi. Prenons le problème le plus douloureux qui divise les catholiques et les orthodoxes concerne le rôle de l'évêque de Rome. Mais tous deux au moins sont d'accord que l'évêque de Rome existe en tant qu'évêque. Ils sont aussi d'accord - au moins en principe - que cet évêque doit avoir une certaine primauté. Primauté seulement d'honneur, plutôt symbolique, insiste l'orthodoxie. Primauté de la juridiction immédiate sur tous les fidèles, affirme le catholicisme. Mais au sein du mystère de l’Église dont la lumière provient de l’Évangile et du siècle apostolique que signifient en fin de compte "l'honneur" ou "la juridiction immédiate"? Ce sont les paroles dont l'histoire a congelé le sens. Pour les décongeler, pour fondre leurs coquilles, il faut chercher le feu de la foi commune, dans la communion des saints ininterrompue, qui est pour nous est celle du premier millénaire. Mais en dehors de la Tradition cela ne serait qu'une recherche dans le désert de notre subjectivité.
Il est vrai que l'orthodoxie peut souffrir de la maladie inverse, la confusion entre les traditions pieuses "des vieux" et la Tradition comme artère de la foi vivante. Et ces petites traditions locales et "trop humaines" peuvent devenir tellement pesantes, qu'elles menacent parfois de nous couper même de la source de la foi qui est l’Évangile. Ce danger existe, il ne faut pas le dissimuler par quelque "triomphalisme" traditionaliste. Mais le remède pour guérir cette maladie se trouve toujours dans la Tradition même. Il n'est qu'à trouver à nouveau sa source initiale, cette "source d'eau jaillissant en vie éternelle" (Gv.4,10).
Du Ve au XIe siècle, de Léon 1er à Grégoire VII, la papauté se livre à un bras de fer avec les puissances impériales pour s'affranchir de leur tutelle politique. À la tête d'une bureaucratie et d'un patrimoine étendus, l'évêque de Rome, désormais « Vicaire du Christ », travaille à une « Église universelle » prospère et influente.
Chez Luc, la parabole racontée par Jésus explique pourquoi dans la communauté chrétienne (le banquet) sont absents ceux auxquels on pouvait normalement s’attendre (les juifs), mais d’autres (les païens).
La situation de nos jours est fort différente. L’Etat et l’Eglise vont main dans la main ; il y a des milliers d' églises à peine construites ou en construction ; les évêques sont les meilleurs amis des autorités locales, les prêtres donnent des bénédictions aux banques et aux missiles balistiques...
« Nous ne connaissons que 10% des résistances au Pape. Les autres 90% sont cachées mais lui les connaît. »
Ces lignes concernent l’Exhortation post synodale du pape François sur la Famille : Amoris Laetitia (la joie de l’amour).
Cette présentation s’avère juste d’un point de vue théologique. Elle obéit à la logique des vases communicants : ayant reçu l’amour inconditionnel de Dieu, incarné en Jésus, nous sommes amenés à diffuser à nouveau cette miséricorde, en pardonnant, puis en prenant soin des personnes en détresse.
Congrès de Belo Horizonte (Brésil) 26 octobre 2015. Sur le thème « Le facteur religieux dans le climat actuel marque par des conflicts », le théologien Brésilien Leonardo Boff inaugurait la première journée du Congrès. On lira ci-après un aperçu des grandes lignes de sa conférence.
L'homme qui n'a pas connu une véritable présence paternelle a quelque mal à comprendre la transcendance du Dieu personnel.
Thierry Prédignac a fait beaucoup de choses dans sa vie et notamment de la communication au service de l’Église, il a toujours senti « l’air du temps » et aimé rendre possibles les emie des gens. Il s'investit actuellement dans un genre de « promotion immobilière »: le « béguinage ».
Appliquer à notre vie le message de l'évangile d'aujourd'hui aurait des conséquences spectaculaires sur notre relation à Dieu. Si nous cessions de croire en « un Dieu qui est au ciel », nous n'irions pas le chercher à l'église (l'édifice) où nous nous sentons tellement à l'aise...
La religion ne conduit pas toujours à faire la volonté du Père. Peut être nous sentons nous sûrs de nous en accomplissant nos devoirs religieux et nous sommes nous accoutumés à penser que nous n'avons pas besoin de de conversion ou de changement.