Mercoledì, 13 Luglio 2011 18:41

La naissance des dieux. Quand les dieux étaient déesses (Djénane Kareh Tager)

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Quand il est sorti des grottes pour construire ses premières maisons, l'homme a remplacé les esprits de la nature par des entités créées à son image: les dieux.

Il y a 15000 ans de cela, le Proche Orient est l'une des premières régions à bénéficier du réchauffement qui met fin à l'ère glaciaire dans laquelle est entrée la planète 100.000 ans plus tôt. Le climat est humide mais doux, les céréales sauvages abondantes, et les animaux semblent à l'homme moins féroces que ceux qu'il avait jusque-là l'habitude de chasser en bandes.
Notre ancêtre émerge doucement des grottes du paléolithique pour commencer à apprivoiser une nature qu'il n'avait jamais connue si peu hostile.
S'ouvre alors l'ère néolithique. L'homme cueille des céréales qu'il apprend à moudre et à stocker, bientôt à cultiver. Il construit en même temps ses premières maisons - dont les traces les plus archaïques ont été retrouvées à Khiam, un village sur les rives de la mer Morte, qui a donné son nom à la civilisation dite khiamienne. Il invente en parallèle de nouveaux outils, se familiarise avec les bêtes, se fait éleveur. Il reste certes soumis aux caprices d'une nature dont il ne comprend pas les rouages, mais il est moins démuni face à elle. Ses animaux et ses réserves alimentaires lui permettent de ne plus connaître les affres de la faim qui le tourmentait si souvent au paléolithique, pour peu que le dégel se fasse trop attendre, que tempête ou sécheresse dévastent le paysage où il n'a d'autre choix que de ponctionner sa subsistance. Il « sort» en quelque sorte d'une nature à laquelle il était complètement intégré, au sein de laquelle il se considérait comme un élément parmi d'autres. Il se sent désormais supérieur à elle, puisqu'il est capable de la maîtriser, de soumettre à sa volonté les roches, les plantes, les animaux, en construisant, en plantant, en élevant. Ses conditions de vie changent radicalement, et le bouleversement sur le plan religieux n'en est pas moins important: c'est ce que nous racontent les peintures, les fresques et les sculptures, qui sont autant de livres dans lesquels se lit l'histoire de l'humanité.

Des grottes cathédrales

Revenons un peu en arrière. Trente ou quarante mille ans plus tôt. Un passé dont témoignent les millions de peintures découvertes dans des grottes réparties sur les cinq continents, que le paléoethnologue Emmanuel Anati qualifie de «cathédrales», au sens religieux du terme. Nos ancêtres lointains peignaient et dessinaient. Nous n'avons pas la preuve absolue du sens qu'ils donnaient à leurs œuvres, mais des rapprochements avec les pratiques religieuses des ultimes populations de chasseurs-cueilleurs permettent d'affirmer que celles-ci étaient le mode de communication privilégié avec les esprits: ceux des arbres, du vent, de l'orage, des montagnes, des animaux. Avec ces esprits-là, l'homme avait établi des échanges selon un principe de donnant-donnant, compensant les prélèvements de nourriture qui lui étaient indispensables par des dons de forces vitales - dons d'où découlaient la maladie et la mort. Il n'était alors pas encore question de prières ni de sacrifices, pas plus que d'une supériorité d'un élément de l'univers sur les autres:
l'échelle du vivant, visible et invisible, restait horizontale, chaque entité étant toutefois dotée de ses propres capacités et compétences.
Mais quand il commence à dominer la nature, l'homme redresse aussitôt cette échelle. Dans cette verticalité toute fraîche, il est normal, pense-t-il, que la hiérarchie se prolonge au-dessus de lui, qu'il soit lui-même dominé par tout ce dont il n'a pas la maîtrise. Il continue probablement de fréquenter les esprits avec lesquels il a appris à négocier depuis des millénaires, mais ceux-ci se révèlent bientôt insuffisants pour répondre à ses besoins de sacré et à ce qui est pour lui un nouvel impératif: maintenir l'ordre du monde, l'empêcher de basculer dans le chaos. Parce qu'il se vit désormais au centre de l'univers, la nouvelle religion dont il forge les contours se fait à son image. C'est une religion anthropomorphique où les esprits cèdent le pas devant des entités qui ressemblent à l'homme, qui ont son physique, mais qui ont aussi ses envies, ses désirs, ses violences, son ego.
Ce sont les dieux.
À vrai dire, les premiers dieux sont des déesses, ainsi qu'en témoignent les innombrables statues retrouvées au Proche-Orient jusqu'en Anatolie à partir du IXe millénaire avant notre ère et dans l'Indus ou dans la Crète du IIIe millénaire avant notre ère. Veillant sur la fécondité des champs, des hommes et des troupeaux, elles sont les probables héritières de Vénus rudimentaires, vieilles pour certaines d'une trentaine de milliers d'années, découvertes en Europe et en Sibérie. Mais à la différence de celles-ci, la déesse du néolithique, aux marques sexuelles fortement affirmées (puisqu'elle est d'abord une donneuse de vie), fait l'objet d'un véritable culte, prélude aux rituels des premières religions établies, qui naissent avant notre ère, d'abord en Mésopotamie puis en Égypte et dans le reste du monde. Quasi systématiquement associée à une figure bovine incarnant la puissance de la force mâle, elle «porte en germe toutes les constructions ultérieures de la pemée mythique d'Orient et de Méditerranée», écrit le préhistorien Jacques Cauvin (Naissance des divinités, naissance de l'agriculture, Flammarion, 1997).
Désormais, la divinité est un recours pour les hommes: ils peuvent la supplier, la prier comme ils le feraient avec un supérieur hiérarchique. Ils peuvent l'attendrir par des offrandes: de fleurs, de fruits, bientôt de ce qu'ils ont de plus précieux, une bête prélevée dans leur troupeau. Dans les premiers bourgs qui se constituent, la plus vaste construction, probablement la plus belle aussi, est le temple, où l'on vient en communauté prier la déesse et lui demander sa protection.

Patriarcat et dieux mâles

Les siècles passent, les bourgs se transforment en cités. Erido, la première grande ville connue, construite e Basse-Mésopotamie, compte près de quatre mille habitants vers 4000 avant notre ère. Le développement des techniques agraires engendre les premiers surplus, prélude aux débuts du commerce; des classes sociales se forment; des hiérarchies s' instaurent: les hommes gèrent la vie extérieure, les femmes s'occupent de la maisonnée. Le patriarcat se consolide. Aux mâles qui régentent la vie de la société, il devient de plus en plus difficile de s'accommoder de divinités qui ne soient pas à leur image, virile et protectrice. Vénus rentre à la maison, pour s'installer au cœur des cultes domestiques. Dans le grand temple d'Erido, Enki l'a détrônée pour s'ériger protecteur de la ville et de ses habitants. Dans les autres cités qui bourgeonnent, d'autres dieux mâles naissent et commandent. Ils sont riches et forts. Des individus se mettent pleinement à leur service. Une classe de « professionnels du sacré » se constitue et établit les rituels les plus aptes à complaire aux dieux: ce sont les premiers prêtres.
La suite de l'histoire, que nous déclinerons au fil de ce dossier, est une longue épopée au cours de laquelle se forment les premiers royaumes terrestres et les premiers panthéons divins créés à leur image. Car désormais, et pour longtemps, les dieux et les rois iront de paire, chacun se nourrissant de la puissance de l'autre, et vacillant quand l'autre trébuche. .

Djénane Kareh Tager

(Le monde des religions, mars-avril 2008, n. 28)

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Fausto Ferrari

Religioso Marista
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